LA VIE MOUVEMENTÉE D’UNE PETITE CHAPELLE ANTIBOISE BI MILLÉNAIRE,
PROPPRIÉTÉ DEPUIS 250 ANS D’UNE FAMILLE ORIGINAIRE DE TOSCANE
Une des plus vieilles chapelles d’Antibes : Les légions romaines qui occupaient l’entrée de la ville d’Antibes où elles étaient venues par la voie Julia Augusta qui allait de Rome à Arles étaient stationnées à l’emplacement actuel de la chapelle comme en témoignent le résultat de fouilles archéologiques
préventives.
Au départ des romains à la fin du 4ème siècle, les premiers chrétiens n’hésitèrent pas en construisant une première église sur les fondations mêmes de l’ancien édifice romain, comme ils l’ont fait à la cathédrale d’Antibes. En 675, Saint Aygulf, pourchassé par deux moines fous de St Honorat, vint se cacher avec succès à la chapelle St Jean pendant six mois. En 980 des corsaires venus de Syrie détruisent plusieurs chapelles dont la chapelle St Jean qui, reconstruite, apparaît en 1085 sur la liste des chapelles dépendant des moines des îles de Lérins. En 1124 des pirates barbaresques venant de Tripolitaine rasèrent la cathédrale d’Antibes … et la chapelle St Jean. Une 3ème destruction partielle eut lieu en 1280 par des pirates maures…puis il y eut 250 années de période calme !
Mais on assista à une 4ème destruction par Charles Quint qui, exaspéré par les incursions répétées et malheureuses de François 1er en Lombardie, créa en 1525 une armée de 20.000 mercenaires pour aller « punir la France ». La première ville traversée après avoir passé la frontière fut … Antibes, et la chapelle St Jean fut à nouveau détruite avant d’être reconstruite à l’identique dès 1527. Depuis cette date, la chapelle est restée fidèlement dans son aspect extérieur actuel, pour le campanile, le chœur, les deux transepts et le tout début de la nef. La deuxième partie de la nef, elle, date du début du XVIIème siècle, en plusieurs étapes, tandis que le porche fut créé bien plus tard au XVIIIème siècle.
La famille toscane des comtes Guidi était à la tête des armées gibelines dès le XIème siècle qui s’opposèrent victorieusement aux Guelfes jusqu’en 1300. Gibelins et Guelfes, Roméo et Juliette, vous vous souvenez ? Mais les Guelfes et la puissante armée du pape finirent par l’emporter et ils chassèrent tous les Gibelins de Toscane. Les membres de la famille Guidi se sont réfugiés en Lombardie, en Émilie Romagne, en Sicile et à Vintimille où une branche de la famille s’exila avant de venir s’installer à Tende, puis à Antibes en 1525. Giacomino Guidi changea son nom en Jacomin Guide et fonda une famille
antiboise dont les descendants ont régulièrement été pendant trois siècles soit 1er consul ( maire ), soit Vigier (préfet représentant du roi à Antibes), comme en atteste une plaque généalogique sous le porche.
L’un de ses descendants, Henri Guide, officier des grenadiers du roi, et futur maire d’Antibes, épousa le 30 août 1789 la demoiselle Elisabeth Cauvin dont le père avait acquis la chapelle St Jean en 1765 et qui l’apporta en dot lors de son mariage. C’est comme cela que la chapelle rentra dans la famille.
Les révolutionnaires confisquèrent la chapelle comme bien national deux mois après le mariage et Henri Guide du attendre 5 ans pour racheter une chapelle Saint Jean totalement saccagée à une condition : que ses enfants et petits-enfants etc… puissent être enterrés sur place. Condition qui fut immédiatement acceptée, et c’est pourquoi encore aujourd’hui les descendants d’Henri Guide peuvent être inhumés sur place grâce à la construction de quatre columbariums sur la façade Ouest de la nef.
Aujourd’hui la chapelle est gérée par une association familiale 1901 avec l’objectif de s’ouvrir de plus en plus au public lors de messes et de manifestations culturelles, comme par exemple le Festival d’Art Sacré.
En 2014, nous nous sommes rendus compte que notre pauvre chapelle était rongée par l’humidité des fondations à la voute dans des conditions qui venaient littéralement à compromettre son avenir. Nous avons donc décidé de procéder à sa restauration complète, pierre par pierre, avec un architecte du patrimoine, mais aussi les services de la DRAC, l’ABF et une entrepreneur général niçois, la SMBR, Société Méditerranéenne de Restauration.
Au cours du chantier, nous avons eu de bonnes surprises avec des découvertes architecturales remarquables, mais aussi de mauvaises nouvelles. Parmi ces dernières,
1) la nécessité d’abaisser le terrain d’un mètre 80 pour assainir les fondations, retrouver le niveau inférieur initial au sol de la
chapelle et créer un sentier périphérique de pierres sèches avec un long mur extérieur de soutènement,
2) la restauration complète de la charpente et de la toiture qui se sont avérées totalement pourries,
3) la mise hors eau de la nef et le remplacement des carreaux de fibrociment datant de 1900 par des
carreaux de terre cuite à l’ancienne laissant enfin les sols respirer et
4) l’obligation de nous conformer aux règles d’accès aux personnes à mobilité réduite. Tout cela, nous ne l’avions pas bien anticipé et le budget passa de 450.000 € à 975.000 € en sept ans.
C’est grâce aux subventions de l’Etat, du Département, de la Ville d’Antibes, d’associations et fondations, mais aussi des antibois intéressés par notre projet que nous sommes parvenus à financer 55% du budget, la famille de son côté étant intervenue pour les autres 45% grâce, notamment, au produit d’une partie de la vente d’un terrain voisin attenant à la chapelle et au lancement d’une souscription publique défiscalisée, toujours en cours aujourd’hui, qui a déjà rapporté plus de 200.000 € à fin 2023.